lundi 24 septembre 2012

ESPECES d’exercices D’ESPACES


Par Georges Goyet, bricogénieur en développement territorial
 
I) Premiers exercices de style d’espaces composés :
De l’assignation à résidence aux « hors-les-murs »

L’invite à notre rencontre stipule : « Dans l’héritage commun, la notion « d’espace culturel » renvoie souvent, encore aujourd’hui, à un lieu institué et clos ; de même, la notion de territoire évoque majoritairement un lieu, précisément limité, afférant à une responsabilité politique. »

Cette phrase introductive met en scène :
  •     une entité administrative dédié à un espace physique territorial - la collectivité locale 
  •    un lieu dédié à la culture par cette autorité, 
  •     un mode de pratiques du champ culturel dans ce lieu.
Il m’est difficile de ne pas rapprocher cette phrase d’une autre phrase symbole qui nourrit cet état de représentation de la relation entre le territoire et la culture :

« sur le territoire de la collectivité locale X  est prévu ou a été réalisé un équipement à vocation d'espace culturel ».

Sous cette phrase anodine de la langue de bois, court une représentation, celle des aménageurs du territoire et du zoning urbanistique, du PLU Plan Local d’Urbanisme avec ses spécifications d’espaces pour l’habitat, l’industrie les loisirs, sport et culture.

Il est parlé et acté, avant tout, une destination fonctionnelle des espaces d’un territoire. Dans ce cas est désigné et localisé un espace, lieu d’investissements dédiés à un aménagement physique support d’activités identifiées culturelles. Les moyens affectés et leur concrétisation « en dur » fixent au sens premier –physique – et au figuré des représentations de la culture et de ses manifestations avec certaine analogie à un lieu de culte où l’on célèbre quelques rituels.

La langue des aménageurs relayée par celle des élus pour lesquels le poids de la réalisation concrète d’un équipement prime souvent sur l’invisible immédiat de l’action culturelle et artistique, les contraintes financières et gestionnaires de ces équipements par les acteurs de la culture, une certaine « distribution » des produits culturels industrialisés en phase avec le complexe « marketing-publicité-consumérisme » …etc  tout concourt à une forme d’assignation à résidence « grande surface parking ».
Depuis une bonne quinzaine d’années des expériences de plus en plus nombreuses ont investi « hors les murs » .
Ici se trouvent, je crois, des acteurs qui ont expérimenté, expérimentent ces sorties de l’assignation à résidence. Non sans difficultés !

Ces sorties me semblent en phase avec au moins deux autres grands processus de trangressions des frontières établies :

  •     celui du monde de l’art qui tend progressivement à investir tous les domaines –humains et environnementaux. Cette extension du « domaine de l’art » à tous les domaines, amène certains artistes à s’interroger sur les notions d’artiste et de travail artistique. La question posée dans le programme des Rencontres Obliques : « ..pour sortir de la dichotomie entre culture artistique et culture anthropologique-une culture d’artisan ? » est pour moi un symptôme de ce phénomène.

  •     celui nourrit par la lente maturation de la responsabilité anthropologique quant au devenir de notre écosystème. Nous sommes entrés pour certains dans l’ère anthropocène. Les risques courus et les tentatives pour y faire face impulsent des modes de penser et faire mettant en avant des approches globales et transversales des problèmes. Tout se tient, interagit et rétroagit. Aussi les cloisonnements établis, le mécanicisme linéaire, taylorien   etc bref le paradigme dominant qui nous a amené là où nous en sommes est à bout de souffle voire suicidaire. Un formidable travail des frontières est en cours, plus ou moins visible, soutenu et entravé. Il nous amène à tenter de formaliser la multiplicité des espaces et temporalités dans lesquels nous sommes immergés pour en envisager de nouvelles compositions.

Ces premiers éléments généraux de contextualisation de l’initiative de Scènes Obliques et du pari fait sur ces rencontres fondent pour moi, la justesse, la pertinence et la nécessité du chantier proposé pour ces deux jours et à long terme.

Ce chantier se sait aventureux, fragile car sa réalisation implique pour ses participants une implication quelque peu délicate car devant conjuguer simultanément la mobilisation de leur expérientiel et des « lacher-prises ».
Des arpentages physiques et virtuels proposés et potentiels, communs et individués se verraient bien comme des cheminements « hors piste ». Des « lacher-prises » sans .. ! relachement, c'est-à-dire mobilisant notre attention , notre vigilance pour capter nos péripéties et en constituer le journal des signes de pistes.explorées. !! Rassurez-vous, ça n’a rien à voir avec une B.A, il est plutôt question de geste de survie, de quête d’oxygène pour, comme disait Dubuffet, échapper à l’ « asphixiante culture ».

Le chantier est un pari dont l’un des aspects se trouve formulé ainsi.

« La question de l’espace dans la pluralité de ses sens s’impose ainsi comme une exploration préalable indispensable à la richesse des échanges.
Mais bien plus qu’une figure imposée, le pari est fait que la diversité et la confrontation des apports sur cette  notion d’espace sera de nature à stimuler l’acuité, la profondeur, et jusqu’à la poésie des regards »

Ce matin nos quatre interventions sont une partie des apports envisagés.

II) Premiers pas.

2.1- Susciter un espace d’échanges de regards constitués.

En ce qui me concerne, ma proposition d’arpentages virtuels « inter-spatiaux » nécessite un premier pas dans l’espace méthodologique.

Les apports de ce matin peuvent être considèrés comme constitutifs d'un noyau générateur de sollicitations, implications, fabrications. Rappelons-nous que nous sommes ici pour penser, arpenter et fabriquer.

Aussi, d’un point de vue méthodologique, ce noyau générateur semble devoir être avant tout une proposition d’énumérations, de descriptions d’espaces. Des mises en vue pour un inventaire partiel, partial, de spatialités.

Ce paysage lacunaire de spatialités devrait progressivement :

a)  ouvrir sa remise en question et son enrichissement,

b)  solliciter, chacun d’entre vous, pour les mises en relation, compositions et interprétations subjectives de ces espaces complexes, compte tenu de votre expérience, de vos responsabilités et exercices professionnels,

c)  contribuer à la coconstruction d’une vision partagée du paysage du chantier, de ses objets de travail et de leurs enjeux.

Vision partagée ne voulant pas dire la même pour tous mais la mise en commun de la variété des représentations en présence, sans l’acharnement à vouloir décréter, imposer une BONNE, JUSTE représentation. Un accueil-cueillette d’une « biodiversité » !! « forcément » hétérogène comme dirait « Guiguite » et créant un autre aspect du pari, celui de tenter de faire du commun dans et par la reconnaissance des singularités rassemblées.

Nous pourrions tenter de créer un« Espace de compositions », précaire, incertain, complexe où penser et agir dans ces conditions, n’est guère dans nos habitudes ! de penser, d’agir, … de pratiques démocratiques …

Façon d’introduire, sur la pointe des pieds, l’apport qui m’est demandé intitulé : «  penser, agir des espaces précaires, incertains, complexes »

2.2 - Parti-pris

A l’ampleur non-envisageable du propos visé selon le titre, vous comprendrez mes précautions pour la réalisation. Il ne s’agira que :

  > d’une énumération partielle et partiale d’espaces avec parfois quelques éléments descriptifs,
  > de seulement un témoignage limité pour le penser et agir ces espaces. Le plus  « démonstratif » de ces limites étant ce qui vous est « donné à voir » via mon  intervention !!

Le parti pris pour la réalisation de cet apport est d’investir ce que nous pouvons, ce que nous voulons du commun constitué par nos mises en présences ces deux jours et peut être au-delà.

Ce commun, par les rencontres obliques que nous installons, peut, devrait – est inscrit, vit, somnole, se déploie, s’échappe … dans des espaces précaires, incertains, complexes que nous pensons et agissons.

Les objectifs visés par ce parti pris sont

  •     sur le fond

a) Pour élargir nos représentations des espaces,

il est tenté la sollicitation de l’expérientiel de chacun in vivo.. La stimulation,« l’acuité, la profondeur, et jusqu’à la poésie des regards » sont recherchés en interpellant vos compositions d’espaces et de temps dans vos propres activités par des apports relativement exogènes au milieu culturel. 

L’apport proposé est un exercice d’énumération et de description relative d’espaces singuliers composés : ceux qui de fait constituent et caractérisent notre présence : d’ « obliques rencontres », ici, au « Bivouac », aux Adrets ces 6 et 7 juillet 2012 .

Il est une vue d’un « hors-là » compte tenu du micro milieu vivant constitué ici:
Ø    des participants –artistes et intercesseurs culturels - .
Ø    des agencements institutionnels et systèmes d’acteurs sous-jacents à la tenue des rencontres.

Cette vision de « Huron » est confrontée directement à vos perceptions, représentations des espaces et enjeux – jeux – d’espaces dans lesquels vous vous percevez, ici, maintenant mais aussi dans vos lieux et activités professionnelles se souciant de réfléchir, expérimenter, transformer des liens entre « culture et territoire ».

b) Pour le « penser, agir dans le précaire, incertain, complexe

La construction de mon apport et son contenu témoignent de mes bricolages dans ce domaine. Soyez indulgents !!

L’usage du mot « bricolage » n’est pas fausse modestie ou qualification péjorative. Il manifeste une posture de « mise en œuvre » d’explorations pour penser, agir, dire « autrement ». Cet autrement n’étant pas préfiguré, pas stabilisé même si de nombreux explorateurs-bricoleurs ont déjà défriché quelques clairières du paradigme émergeant. Dans la langue de ces explorateurs il est invoqué que nous serions dans une transition paradigmatique. Et que s’opèrent des mutations, des métamorphoses non prédictibles.

  •     Sur la forme
Pour les deux objets de travail – les espaces et le penser/agir- il est recherché l’installation de mises en abîmes, ici, maintenant en créant des situations de miroirs, face à face.
Cela sous entend un souci partagé d’empathie et de mobilisation de nos capacités d’étonnement pour l’accueil des altérités se manifestant et que l’on souhaite voir contribuer à une intelligence collaborative.
      Cela peut nous faciliter l’investissement du niveau réflexif méta. ce qui est visé sur le fond.

Formellement, l’apport propose une opération modeste en comparaison à celle réalisée par John BERGER à propos de l’art dans son ouvrage « Voir le voir ».
Je vous suggère de tenter de « voir » et de « voir nous voir » -niveau méta-  les espaces « en œuvre » pour les réfléchir dans et par les rencontres.


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III) Retour sur nos pas.  Spatialités de la genèse des « Rencontres Obliques »

Pour préparer ma participation ici, une réunion de travail s’est tenue le 25 mai 2012 à Grenoble au Musée d’Art Contemporain, dans le bar 5.
Nous étions 5. Antoine, Danielle, Audrey, Céline et moi. Bref un p’tit club des 5 ponctuel...

Par des biais divers, des cheminements plus ou moins aléatoires, nous nous sommes dit pourquoi nous étions là, pour quoi faire et explorer quelque peu le comment. ..

La représentation de la genèse et l’interprétation de la proposition des Rencontres Obliques que je me suis faites après-coup ont été :

  •     les activités antérieures et l’expérience accumulées par SO ont exploré des espaces-temps physiques, humains selon des modalités singulières en lisières de la doxa des politiques culturelles.

  •    Ces explorations se sont constituées d’emblée avec le désir, le souci d'établir dans la durée des passerelles entre le local et la planète. Des emboîtements d’échelles d’espaces, du micro – le bivouac par exemple – au méso – l’agglomération grenobloise, le département de l’Isère, la Région Rhône Alpes …l’Europe  au macro la planète et le cosmos ! Sidérant n’est-ce pas ? Exorbitant mais vrai.

  •     Une soif des « AILLEURS » a nourri des voyages, cheminements qui ont suscité des rencontres étonnantes … pour des voyageurs détonnants!

  •     L’étonnement s’est constitué dans les trouvailles de mêmes et de différents.

Des mêmes constitués par des acteurs, des expériences portées par une même énergie de questionnements et d’expérimentation de nouveaux paradigmes de la création artistique et de l’action culturelle,
Des différents car les auteurs, leurs milieux et contextes sont des singularités localisées – espace et temps  - une multiversité en quelque sorte.

  •     Dans ces étonnements résidaient et se sont déployés:

·                    Une reconnaissance réciproque des acteurs
·                    Une reconnaissance et connaissance de préoccupations partagées
·                    Un plaisir et un soulagement d’être moins seuls dans ces aventures
·                    Une inventivité protéiforme en œuvre
·                    Une intelligence dans les attitudes, problématiques et actions, intelligence souvent invisible au  et/ou  invisibilisée par le regard de l’institutionnel, de l’établi.
·                    Un désir de partage et de se donner du temps, du recul pour réfléchir l’agir de chacun,
·                    Un désir que ce moment rêvé de mises en présence soit lui aussi une échappée paradoxale - libre-organisée - de création, une mise « en œuvre » de chacun.
·                    Un désir de compagnonage, d’épaulement pour poursuivre les chemins amorcés.


  •     Aussi ces Rencontres Obliques sont un foyer de condensation, un premier feu de bivouac qui va jalonner le nomadisme d’un phénomène émergent, fragile, pas encore très formalisé. Foyer de convergences, attracteur d’étranges, accumulateur d’énergies pour poursuivre l’œuvre de l’instituant et opérer des transitions, métamorphoses d’espoir alors que s’accumulent les signes et les risques mortifères d’une étape de l’hominisation.

La légende de cette phauto-représentation de la genèse des RO , vous avez dû l’entendre, est constituée de nombreux vocables désignant ici une grande variété d’espaces, de façons de s’y mouvoir et de ce qui se passe dans le DEPLACEMENT et la RELIANCE.

Ces désignations à vocables relevant du spatial – mais pas que, car ce qui est représenté avant tout est un enchevêtrement de processus-  sont
  •     en lisières de la doxa des politiques culturelles.
  • passerelles entre le local et la planète. Des emboîtements d’échelles d’espaces, du micro au méso   au macro, la planète et le cosmos !
  •  Exorbitant 
  • des « AILLEURS »   rencontres étonnantes … pour des voyageurs détonnants
  •  L’espace laissé aux étonnement, espaces de questionnements et d’expérimentation de nouveaux espaces, paradigmatiques de la création artistique et de l’action culturelle.
  • Un désir d’archipel d’intelligences collaboratives, de solidarités, d’échappées libres concertées, de résistances où s’inventent des chemins de travers(e)
  • Un désir de condensation, de constitution d’un territoire invisible –comme le fut un certain collège

Tous ces espaces et sûrement beaucoup d’autres que je n’ai pas perçus, sont noués à DES temporalités. Ils nous laissent entrevoir des évolutions, des transformations, une écologie d’un milieu minoritaire émergeant cherchant à exister, à s’exister dans ses environnements.

IV) Pour s’exister, Une halte, un bivouac.
«  Exister c'est, au sens non-trivial du mot, avoir sa tenue hors … en avant de soi, en soi plus avant. Se tenir hors de soi et intérioriser ce hors, c'est le paradoxe constitutif de l'existant, qu'il peut non pas résoudre mais soutenir en faisant oeuvre. »
p325 « Ouvrir le rien, l'art nu » Henry MALDINEY éd « encre marine » 2000
La proposition de tenue de rencontres obliques au bivouac est la concrétisation même de la mise en œuvre de ce paradoxe. Il est de fait proposé à une nébuleuse naine naissante de se condenser pour se tenir hors de soi et créer les conditions de mise en abîme, de mise en miroirs pour se réfléchir, pour s’exister, pour faire (le) point sur la carte, dans les territoires culturels.
Au sens physique et figuré ce mouvement pour une halte entre en résonance avec l’appellation  de notre lieu « bivouac »

Étymologie de bivouac

L’étymologie proposée de bivouac a quelques variantes, nuances. Ce mot aurait des origines allemandes :
> Beiwache, bivouac, de bei, auprès, et wachen, veiller. C’est un terme d’origine militaire Il faisait référence à la charge de surveillance externe des villes fortifiées, par contraste avec la surveillance interne (fonction de police). Les soldats chargés de cette mission utilisaient des abris temporaires.

> Garde extraordinaire faite la nuit en plein air ; station qu'une armée en campagne fait, en plein air,
 pour prendre du repos ; la troupe même ; le lieu où elle s'arrête.

Un bivouac est un campement rudimentaire permettant de passer la nuit en pleine nature. Dans les pays développés le bivouac est le plus souvent pratiqué par des vacanciers lors de randonnée de plusieurs jours mais cette pratique existe depuis l'apparition de l'homo sapiens. Pour de nombreux peuples nomades dans le monde le bivouac est encore un mode d'hébergement courant. Même si le bivouac nécessite souvent l'usage d'une tente, le fait de dormir sans protection, ce qu'on appelle communément « dormir à la belle étoile » relève aussi du bivouac, tout comme le fait de manger en plein air.



                                                         






  


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